Des régimes administratifs à géométrie variable

L’analyse des textes juridiques révèle en premier lieu que plusieurs tribunaux ou organismes ne sont pas affranchis de l’influence du pouvoir exécutif. Le gouvernement, sur la proposition d’un ministre, a le pouvoir de choisir et de nommer ces décideurs, d’édicter ou d’approuver les règles concernant leur statut et leur activité et d’approuver le budget mis à leur disposition. Ce contrôle ne permet généralement pas d’intervenir dans une affaire particulière, mais il peut menacer l’indépendance des décideurs de façon plus globale.

Par ailleurs, les nominations, tout comme les renouvellements de mandat et les révocations, ne sont pas toujours effectuées sur la base de la compétence, ni avec la rigueur et la transparence requises. Ainsi, pour 9 des 15 organismes étudiés, la loi n’exige aucune compétence particulière et n’impose aucun critère de sélection. C’est que le Québec, à la différence de certaines provinces canadiennes, ne dispose pas d’un régime unifié qui balise le processus de sélection des décideurs, exige de vérifier leur aptitude à exercer leurs fonctions et offre une garantie d’indépendance à l’égard de l’État et de toute source extérieure d’ingérence. Les conditions de travail de ces décideurs, leur rémunération, ainsi que leur encadrement déontologique, présentent la même absence d’homogénéité.

Plusieurs juges ayant participé à cette étude ont manifesté leur malaise à rendre une décision ayant un impact sur le gouvernement alors que la période de renouvellement de leur mandat est imminente. Il n’est pas normal, conclut en substance le rapport des chercheurs, qu’un décideur administratif indépendant ait à l’esprit le sort de sa carrière professionnelle lorsqu’il tranche un litige.